J'aimerais quelques avis. C'est pour un concours. Faut faire un cours texte et la thématique est la
lumière. J'ai peur de trop m'en détacher aussi je peux faire quelques clins d’œil à droite à gauche pour la justifier... C'est à rendre demain donc besoin d'un avis rapide. Je la laisserai histoire de dire. Des bisous. Cordialement.
Terre incongrueApeuré par le Soleil qui s'acharne sur ces terres hostiles, Gordon déchire un morceau de tissu pour essuyer son crâne couvert de sueur. L'horizon se découvre et plus un seul arbre n'ose se dresser, angoissé à l'idée de dissimuler l'enfer somnolant. Malgré sa force de caractère, le jeune homme se cache les yeux tout en se frottant le nez pour s'insatisfaire du désastre.
Alors il marche, fuyant l'obscurité qui l'immortalise, se demandant d'où lui est venu ce courage qui l'a poussé à sortir du refuge. La curiosité de découvrir un nouveau monde sans aucun doute. Maintes années s'étaient déjà écoulées depuis l'accident, et de son bas-âge il n'avait connu que les épais murs de la citadelle souterraine. Gamin déjà il touchait du doigt la liberté dans ses rêves les plus inavoués, après que sa mère lui ai conté la merveilleuse histoire d'une époque révolue.
Les teintes grisâtres se superposent pour donner forme à la vallée, et l'herbe commence à repousser près du rivage. La vue est si belle qu'on oublie l'hostilité des lieux. Après tout qu'en sait-il, on lui répétait sans cesse que l'air est toxique et que des créatures sorties d'une imagination enfantine hantent la zone, mais personne ne les a vraiment vues. Dans le doute il faut s'assurer de rester en vie, au moins jusqu'au matin suivant, pour jouir suffisamment de ce que beaucoup ne connaîtront jamais.
Son sac est plein de friandises stockées au compte-goutte depuis des mois ; l'idée n'est pas fraîche mais il fallait oser. Au milieu de ces vivres quelques outils : un couteau lisse, un crochet métallique légèrement tordu, et une carte chiffonnée, anciennement utilisée par les sismologues avant que le drame n'arrive. Il l'avait trouvée dans un dépotoir laissé à l'abandon ; les souvenirs entassés ne rappelant que de mauvaises choses à celui qui s'y aventure. Malgré l'usure du papier on peut savourer les courbes délicates des montagnes et des vallons, qui s'enchevêtrent dans une danse harmonieuse. Son doigt boudiné glisse lentement vers un endroit particulier.
« Ici. C'est parfait. »
Un pied. Puis l'autre. Demain n'attend pas. Le poids du sac le ralentit, alors il entame ses provisions. Le chocolat fond vite avec cette chaleur, aussi il commence par ces derniers, regrettant de ne pas pouvoir reporter la dégustation à plus tard. C'est Margaux qui les lui avait offerts, une rouquine aussi pâle que naïve, qui a le béguin pour qui s'intéresse à elle.
« Adieu Margaux, adieu ton sourire gêné déformant tes lèvres gercées. »
La chaleur disparaît au profit de la nuit et les odeurs de terre mouillée s'estompent. Tout ceci est nouveau. Tout ceci le chatouille, l'amuse et le pique. Tout ceci l'inquiète, ils sont loin les autres. Les mélodies du vent deviennent des ricanements bondissant de falaise en falaise. La liberté, il en a toujours voulue, et maintenant qu'il l'a obtenue il ne sait pas quoi en faire.
Les pas s'enchaînent mécaniquement, et le rythme effréné rend l'arrivée rapide. C'est bien ici qu'il voulait aller. Une grande plaque dorée embellit les lieux :
Je suis l'Alpha et l'Oméga
Le commencement et la fin
Ici repose le souvenir
De ce qui faisait notre force
Le sol, parsemé de branches mortes sur lesquelles une étrange poussière noire s'est déposée, s'imprègne des traces de pas. Les débris entassés recouvrent les premières victimes de la catastrophe, et on imagine difficilement que l'endroit était la fierté de la région. Même le bâtiment principal peine à rester debout, s'effondrant sous le poids du béton marqué à jamais. Jadis le centre d'une économie flamboyante, la technologie avait poussé l'homme dans la solitude.
Au sein du refuge une étrange tradition s'est installée ; la dixième année de chaque enfant s'accompagne d'un rite de passage durant lequel on lui explique le périple des survivants. Ainsi fut contée la chose : il était une fois. Quand l'Homme eut peine à combler ses ambitions d'expansion, il chercha un remède contre ce chagrin. Et le pouvoir de la lumière fit son entrée : l'énergie qu'elle dégage est la réponse aux attentes d'une génération. Malheureusement, les grands de ce monde se rendirent dépendant, et malgré les avertissements sur la dangerosité de la chose, ils continuèrent à en abuser. Lorsque la terre gronda, l'énergie se dissimula, laissant place au chaos. Bien heureux furent ceux qui anticipèrent la tragédie. Aujourd'hui ils restent tapis dans les profondeurs, en petit groupe, attendant que la colère de la nature s'estompe, et laisse place au renouveau.
Un cri, et une histoire qui prend fin.
« Au lit c'est l'heure ! »
Dix heures sonnent au gré des battements de la pendule. Et pendant que l'enfant maintient fermement une serviette en papier couverte de gribouillis il s'exclame :
« Mère, vous ne voyez pas que je joue ? »
Amusée par le sérieux de son garçon, madame surenchérit. Elle lève le doigt, fléchit la tête suffisamment pour que ce soit visible, mais pas trop pour éviter d'avoir l'air ridicule.
« Eh bien, mon cher explorateur, si ce n'est pas trop vous demander, j'aimerais que vous alliez dormir. Les jeux peuvent attendre, vous êtes grand maintenant. »
Sachant qu'un doux sourire l'attend, il repose ses couverts, jette sa serviette, et se dirige vaillamment vers la salle de bain. Et pendant qu'il se prépare son regard ne peut se détourner du miroir :
« Je suis grand maintenant ? »
Traînant le pas jusqu'au lit, il repense à la première fois qu'il est monté sur un vélo. Au bisou effacé de sa copine d'école. A toutes ces billes qu'il a gagnées en une seule journée. Les souvenirs fusent dans sa tête, et il ne sait où les ranger. Alors ils s'échappent, pour laisser place à d'autres.
« Je mets ta veilleuse, Gordon. »
D'une voix faible, il marmonne quelques mots, avant de fermer paisiblement les yeux.
« J'ai plus besoin de lumière pour m'endormir. Je suis grand maintenant. »